Elle allait enfin quitter Bedford. Enfin. Cela devait le plus beau jour de sa vie. Elle en avait tellement envie. Quitter cette ville, voir à quoi la vie pouvait ressembler dans une grande ville. Une ville où elle pourrait tenter sa chance et devenir une grande ballerine. New-York serait la ville de son nouveau départ. Elle devrait être heureuse. Elle l'est. En très grande partie. Sauf qu'il y avait une petite part d'elle qui était triste, qui se disait qu'elle devrait rester dans cette ville. Rien que pour sa mère déjà. Elle ne voulait pas la quitter. Après tout, elle était la personne la plus chère à son cœur. C'était son modèle. Elle était une sorte de superhéro. Elle l'avait élevé seule, malgré toutes les rumeurs, toutes les choses affreuses qui ont pu se dire. Elle avait toujours été là pour elle. Mais elle devait partir. Pour avoir un meilleur avenir. Pour elle et pour sa mère. Elle marchait dans les rues de Bedford. Ces longs cheveux roux étaient attachés d'une queue de cheval parfaitement impeccable. Elle était habillée d'une robe jaune lui arrivant légèrement au-dessus du genou – une robe presque indécente lorsqu'elle y repensait, mais elle s'en fichait. Elle entendait les sifflements, les remarques à son égard. Mais elle s'en fichait complètement. Elle les ignorait tout simplement. La jeune femme marchait tout simplement jusqu'à l'arrêt de bus. Elle n'aurait plus à supporter ses idiots. Millicent était à l'arrêt. Elle n'était pas la jeune. Il y avait des familles. Des couples aussi. Elle les regardait durant quelques instants. Il y avait des pleurs. Ils enlaçaient des hommes. Ceux qu'on appelait pour aller à la guerre, pour aller en Europe. Elle fût sortie de ses pensées par une voix qui appelait son prénom.
« Millie ! » Elle s'était retournée. En face d'elle, un adolescent du même âge qu'elle commençait à courir en sa direction. Un faible sourire se dessina sur le visage de la rousse.
« Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu partais ? Je pensais que … » Il s'était arrêté de parler, essayant de reprendre son souffle. Elle le savait, Lennon était loin d'être un grand sportif et le voir essoufflé ne faisait que le confirmer.
« Penser quoi ? Que j'allais rester malgré ce qui s'est passé l'autre nuit ? Tu savais que je n'allais pas rester. C'est un secret pour personne. » dit-elle en poussant un léger soupir. Elle lui avait bien dit. Cette nuit qu'ils avaient pu passer ensemble, ce n'était que de l'amusement. Cela ne signifiait rien. Et vu l'expression qu'avait le jeune homme, il était plutôt déçu. Il n'avait pas l'air du même avis que la rousse. Le voir ainsi lui faisait de la peine. Elle posa sa main sur la joue du brun, la caressant doucement avant de la lui pincer légèrement.
« Fais pas cette tête, tu vas t'en remettre. T'es un homme maintenant. Et puis, je reviendrais de temps en temps. Je peux pas laisser tomber le petit garçon qui m'a mis du chewing-gum dans les cheveux. » dit-elle avec un petit rire. Lennon fit une légère grimace avant de se frotter la joue. C'est qu'elle avait pincé fort la rousse. Un bruit de klaxon se fit entendre. Le bus était là. C'était l'heure de la séparation. La jeune femme poussa un léger soupir. Bizarrement, elle ne pensait pas que ça serait difficile. Peut-être parce qu'elle pensait que le brun ne serait pas là. Elle regardait le bus s'arrêter avant de soupirer. Elle regarda le jeune homme avec un léger sourire dessiner sur le visage. Elle avait plongé son regard dans le sien durant un ou deux secondes avant de le prendre dans ses bras. Les portes du bus venaient de s'ouvrir, petit à petit les gens commençaient à s'installer.
« Je t'enverrais des lettres toutes les semaines. Rends visite à ma mère souvent, elle en aura besoin et elle t'aime bien. Tu vas me manquer Lenny. » dit-elle rapidement avant de se séparer du jeune homme et de prendre sa valise et d'aller s'installer dans le bus. La rousse s'installa côté fenêtre. Elle regarda par la vitre, fit un léger signe de la main avant que le bus ne démarre. En fin de compte, cet idiot allait lui réellement lui manquer, mais elle ne voulait pas s'attacher à quelqu'un et ne pas réaliser son rêve. C'était peut-être égoïste, mais elle ne pouvait pas faire ça. C'était contre ses convictions. Peut-être qu'elle allait le regretter. Et là, elle pourra s'en mordre les doigts.
Six mois que cet incident s'était produit. Et elle avait tenu sa parole. Elle avait fait ses valises et était partie le soir même. Elle ne pouvait pas rester dans cet appartement, alors que le propriétaire pouvait lui sauter dessus à n'importe quel moment. Elle n'était pas à la rue. Elle a dormi deux ou trois nuits dans un hôtel avant de trouver un autre appartement. Enfin, cela ressemblait plutôt à un hôtel particulier, mais il y avait une particularité de cet 'hôtel'. Il n'y avait que des femmes. Au moins, elle pouvait se sentir rassurée. L'inconvénient, c'est qu'il y avait des règles assez stricte. Des horaires à respecter comme pour les repas, mais il y avait aussi un couvre-feu. La présence masculine était aussi interdit. Cela pouvait avoir des avantages, comme des inconvénients. Et même si au départ, cela devait être une solution de secours, elle s'y plaisait bien. Elle aimait passer du temps avec quelques-unes de ses voisines pour parler un peu de tout et de rien. C'était de bonnes soirées.
« Il paraît que la propriétaire a surpris Jessica avec un homme hier soir. Un homme qui était en train d'essayer de partir par la fenêtre et à moitié dénudé. » avait dit une de ses voisines. Une nouvelle arrivante. Millicent la regardait avec un petit sourire, alors qu'une des autres filles présentes avait pris la parole.
« C'était une question de temps. La dernière fois qu'elle a essayé de la prendre sur le fait, c'était juste. » Un rire s'était échappée de la bouche de la rousse, ainsi que d'autres, alors que celle qui venait de poser ne comprenait pas.
« Oh chérie, tu verras rapidement que certaines règles ne sont pas forcément respectées. Surtout en ce qui concerne les hommes. » La rousse acquiesça, alors que d'autres continuait de rire. Mais tout s'est arrêté lorsqu'une personne était venue frapper à la porte et d'entrer dans la chambre.
« Millie, il y a un garçon qui est en bas et qui veut te voir. » « Pardon ? » demandait-elle surprise. Parce qu'en ce moment, sa vie sentimentale ressemblait à un désert. Alors qu'un garçon la demande, c'était plutôt suspect.
« Ouais, il y a un garçon qui veut te voir. Il dit qu'il vient de Bedford. » La rousse se leva d'un coup pour aller à l'accueil.
« Je suis désolée jeune homme, mais les filles ne sont pas autorisées à avoir de la visite. » Elle entendait la voix de la propriétaire. Elle voyait aussi la personne qui demandait à la voir. Une tête brune qu'elle semblait reconnaître.
« C'est important, je dois la voir. C'est à propos ... » « Lennon ? » Un doux sourire vint se dessiner sur le visage de la jeune femme qui était heureuse de voir son ami d'enfance. Mais lorsqu'il se retourna et qu'elle vit son expression, la jeune femme savait intérieurement que sa visite n'était pas amicale. Il n'avait pas fait plus de 800 km pour une simple visite.
« Miss Bates remontez dans votre chambre. Si monsieur veut vous parler, il attendra demain, alors ... » « Lennon, qu'est-ce qui se passe ? » Elle s'en fichait de ce que pouvait dire la propriétaire. Quelque chose clochait, elle voulait savoir ce qui se passe.
« Ta mère … Son état s'est aggravé. Elle est à l'hôpital. » Elle secoua la tête rapidement. Elle ne voulait pas y croire. Non, la dernière fois qu'elle a vu sa mère, elle allait bien. C'était ce qu'elle lui avait dit en tout. Elle ne lui aurait pas menti. Lennon, non plus. C'était ce qu'elle pensait. Peu après cette annonce, les larmes avaient doucement à couler. Le brun l'avait pris dans ses bras pour la consoler. Ils étaient repartis pour Bedford dans la soirée. Avec l'état de sa mère, elle ne pouvait rester loin d'elle. La rousse avait donc décidé de quitter la grosse pomme. Peut-être que c'était mieux ainsi. Son temps dans cette ville était terminé. Elle devait rentrer chez elle maintenant.
Cela faisait quelques mois qu'elle était revenue en ville. Pour être aux côtés de sa mère, en espérant que ça aille mieux. Ce n'était pas le cas. C'était même le contraire. Son état s'était aggravé et elle avait fini par pousser son dernier soupir quelques semaines après l'arrivée la rousse. Durant un moment, elle avait été inconsolable. Lennon avait été là pour elle. Comme toujours. C'était même lui qui l'avait informé de la place de libre au journal local. Peut-être un peu trop présent qu'il n'aurait dû. Elle avait besoin de lui, même si elle refusait de se l'avouer. La jeune femme était à son bureau. Elle regardait l'horloge, attendant l'heure du départ. Enfin, elle savait aussi que c'était pour une tout autre raison. Si elle partait juste à l'heure, elle pourrait éviter son patron et le sermon qu'elle allait avoir parce qu'elle n'avait pas respecté le thème de sa rubrique. Pourtant, pour Millicent, elle avait l'impression de l'avoir bien respectés. Comparé la cuisine comme la prison pour une femme, respectait la rubrique cuisine. Parfaitement même. Mais cela n'avait pas plus à Monsieur Camenden. Est-ce qu'elle allait s'arrêter ? Absolument pas. Et l'article qu'elle avait envoyé à l'impression n'allait certainement pas le mettre de bonne humeur. Un sourire s'était dessinée sur le visage de la rousse lorsqu'elle vit l'aiguille arrive à l'endroit qu'elle attendait tant. Elle s'était levée, pris sa veste et était partie en direction de la sortie. Elle était sur le point de mettre le pied dehors lorsqu'elle entendit la porte du bureau de son patron s'ouvrir. Autant dire, qu'elle s'était dépêchée pour partir. Recevoir un sermon pour avoir écrit ce qu'on pensait, c'était absurde. Elle croyait en la liberté d'expression. La jeune femme était sur le chemin pour rentrer chez elle. Elle avait mis une vingtaine de minutes, puisqu'elle rentrait à pied, sa voiture ayant encore un problème. Et à sa grande surprise, il y avait déjà quelque chez elle. Et plus précisément sous sa voiture.
« Je ne savais pas que j'avais appelé un mécanicien. » dit-elle en s'adossant contre sa voiture, alors que Lennon glissa pour apparaître complètement.
« J'ai entendu que tu avais des problèmes de voiture et comme tu n'étais pas là quand je suis passé, j'en ai profité. » Millicent avait un large sourire. Bien sûr qu'il était passé et qu'elle n'était pas là. C'était pareil le jour où il était venu réparer son portique. Ou encore son lavabo qui fuyait dans la cuisine. Elle se demandait comment il avait pu entrer chez elle d'ailleurs.
« Et maintenant, tu as une voiture qui fonctionne parfaitement ! » Lennon avait un grand sourire affiché sur son visage.
« Et je te remercie Ô grand Lennon pour ce service. Tu es mon sauveur. » lui avait-elle dit ironiquement et avec elle aussi un grand sourire.
« Enfin bon pour te remercier, t'as le droit d'utiliser ma douche vu l'était où tu es. » dit-elle en indiquant l'entrée de sa maison. Lennon avait emboîté le pas et la rousse l'avait suivi. Il en avait fallu peu de temps pour que le brun aille en direction de la salle de bain. Millie était allée vers la cuisine pour préparer du café et allumer la radio. Au bout de quelques minutes, Lennon était sorti de la salle de bain et se trouvait dans le salon. Devant elle. Torse nu. Elle le fixait durant quelques secondes. De longues secondes où elle avait pu profiter. Elle secoua légèrement la tête pour reprendre ses esprits. « Café ? » avait-elle demandé avec un petit sourire. Il s'était approché d'elle. Un peu trop. Et la rousse ne bougeait pas. Elle avait plongé son regard dans le sien. Le visage de Lennon s'était approché du sien. Leurs lèvres n'étaient plus qu'à quelques millimètres.
« On ne devrait pas. » Ils ne devraient pas oui. Il était fiancé. Elle avait sans doute toujours été plus ou moins attiré par le brun. Lui aussi d'ailleurs.
« On s'en fiche. » avait-il dit avant de poser ses lèvres sur celles de Millicent. La jeune femme avait lutté pour ne pas succomber à cette envie. Mais elle en avait marre. Elle voulait se faire plaisir une fois. Peut-être deux. Elle savait que ça ne pourrait pas marcher. Ils étaient différents. Il voulait le mariage, des enfants. Alors que pour la rousse c'était le contraire. L'idée de se marier lui donnait des boutons et avoir des enfants, elle veut repousser ce moment le plus loin possible. Elle voulait juste profiter de ce moment, même si ce n'est pas forcément ce qu'elle devrait faire.