l'attrape coeurs.

nom(s) Darcy, héritage d'un paternel qui s'évertue à perpétuer des générations de labeurs. On ne parle pas des Darcy, on pointe du doigt les toits rouges de la ferme qui se dessine plus loin. Quelque soit le paysage, les Darcy ne changent pas, ils sont toujours là: fondus dans le décor. prénom(s) On l'appelle Annie, jamais Anne. Pourtant quand le paternel éméché s'est vu confier la mission du rénom à la mairie ce matin, c'est bien Anne qu'il a fait écrire au notaire. Anne parce qu'il trouvait ça joli, et que ça femme épuisée n'avait pas désapprouvé. Mais depuis les gens disent "Annie, on t'attend à la cuisine", "Annie, attache tes cheveux, descend ton jupon", "Annie...", "Annie...". Annie. âge Dix sept ans, l'innocence de l'enfant. date et lieu de naissance Elle est née à Bedford, elle a grandit à Bedfort notre Annie, l'enfant née au beau milieu du mois de mars. Bien loin d'elle le courage de penser à quitter la région, plantée là elle fait partie du décor. nationalité, origine Américaine, pourtant les légendes familiales racontent que la mère, pleine de toute sa joliesse, viendrait d'un monde plus au nord. occupation Etudiante, Annie la plus part de son temps, elle continue de le passer à la ferme, à aider le père, les genoux dans la terre. Et le soir seulement, elle s'enferme derrière la lourde porte de sa chambre, et dans des cahiers elle écrit, des histoires qu'elle s'invente, des nouvelles qu'elle rature et que personne ne lit. Elle écrit pour elle toute seule en se rêvant romancière. orientation sexuelle Annie avec ses cheveux en bataille, son corps de garçon. Annie qui ne se pose pas de questions: elle aime les hommes d'une manière lointaine, elle les regarde, tombe amoureuse mais ne leur adresse jamais la parole. statut civil Célibataire, l'enfant réservée qu'on dit pas assez jolie pour plaire. niveau de vie Les parents gagnent correctement leur vie: l'après guerre est florissante pour les fermiers isolés, les marchés grouillent de légumineuses qui n'attendent qu'a être achetées. Alors les Darcy, sans excès, nourrissent une vie agréable. caractère docile, réservée, naturelle, sarcastique, maladroite, susceptible, mesurée, curieuse, optimiste, rêveuse, têtu, sensible. groupe SUSPICIOUS MINDS. crédit tumblr.  

L'enfant assise sur la botte de paille, il lui tend d'un air négligeant une cigarette déjà roulée. L'odeur du tabac se repend autour de lui, et il sourit poliment. « T'en veux une ? » Elle ouvre grand les yeux, comme s'il venait de lui proposer de prendre la fuite, plier bagage. Vivre libre. D'un geste précipité, elle fait non de la tête, hausse les épaules, s'emmêle au milieu de sentiments confus : non, elle ne fume pas. Il hausse les épaules à son tour, n'ayant que faire que l'oisillon se consume ou non. Il la trouve déjà ennuyeuse, la poupée aux cheveux en bordel qui essuie ses mains couvertes de terre sur le bas de sa chemise. Il la trouve plutôt laide, avec son corps qui pourrait être celui d'un garçon. Pas étonnant qu'elle se balade toujours seule. Sûr qu'en plus, elle est bête. Loin d'elle l'image de ces femmes archi-féminisées qui luttent avec convictions pour l'égalité. Anne Darcy est un âne. Une mule tout au mieux. Le garçon porte à ses lèvres une cigarette alors qu'au loin, leurs deux familles les dévorent du regard, cherchant à s'assurer que leur union arrangée est la plus brillante des idées. Il est arrogant, fière et n'a que faire de ce chaton. Elle ne le regarde pas, attend que le temps passe pour retourner s'enfermer derrière la porte de sa chambre. Là-bas, elle sortira de sous son oreiller un livre qui lui nouera les tripes, qui la rendra vivante et lui fera oublier cette rencontre gênante. Ils savent pourtant l'un et l'autre depuis des années maintenant, qu'un jour, on émettra pour eux l'idée d'un mariage. Personne ne leur forcera la main : les adultes mettront seulement en évidence les atouts flagrant d'une union entre leurs deux familles. Deux fermes en une, des champs à perte de vue, une fortune non négligeable. « On va marcher ? » C'est lui qui demande, parce qu'il déteste voir sa mère le fixer comme s'il était encore un enfant. Il tend la main à cette Annie qui se laisse glisser du haut de la botte de paille en prenant soin de ne faire qu’effleurer sa main. Annie c'est un garçon dans un corps trop petit, ça se voit. Petite fille, elle courrait dans l'herbe avec ses frères et ça la faisait rire aux éclats. En grandissant, elle a continué à leur courir après, quand ils partaient rejoindre le centre ville à vélo, et qu'elle leur courrait après dans l'allée de graviers. Ce jour là dans les graviers, elle marche, suit ce voisin, l'écoute quand il parle de son père qui compte rénover le silo à grains.  Faut dire qu'Annie ne parle pas beaucoup, elle se contente de suivre le mouvement. Depuis toujours, Annie ne fait qu'attendre qu'on décide pour elle, la gorge parfois nouée. Elle ne dit jamais non, même si souvent ça lui brûle les lèvres. Elle ne parle jamais au futur, même si parfois elle espère. Plus de ferme, plus de parents envahissants, plus de frères trop présents. Les Darcy depuis tant de générations ont pourtant le devoir de s'agglutiner dans cette ferme, et de faire croire qu'ils y prennent du plaisir. « Annie ? » La voilà qui redresse le regard. « C'est quand même dingue que tu répondes pas à ton prénom ! » Il a la voix brûlante, lui liberté, à l'image de cette nouvelle générations pleine de rêve et d'ambition. Entre ses lèvres il allume une nouvelle cigarette, lui en tend une qu'elle saisit du bout des doigts alors qu'il presse le pas. « T'as qu'a faire demi-tour, je dois retrouver des amis en ville... » Annie s'arrête. Annie fleur fanée qui pour une fois avait pu croire qu'on s'intéressait à elle, que passer du temps avec elle n'était pas une corvée. Dans son nuage de fumée, le garçon s'arrête. Le chaton semble en colère, et c'est son tour d'avoir la gorge nouée. Annie est une poupée dont le semblant de beauté lui arrive brusquement au visage. « On a qu'a faire ça oui. Je leur dirais que ça collait pas. » Elle dit et elle fait demi tour, glisse les mains dans les poches de son pantalon et s'éloigne. Belle Annie ne t'en va pas. « Annie ? » Elle s'arrête, se tourne vers lui dont la cigarette se consume à une vitesse folle, calée entre deux doigts. Fille de la campagne, gamine pleine de maladresse, incapable de nouer des liens humains. Annie, viens avec moi. Annie, dis les toutes ces choses qui te passent par la tête. Annie. Elle est loin des autres filles Annie. « Non rien. »